Tout est bijou donc, il n'est pas une
partie du corps qui n'ait les siens, bijoux indispensables ou parures
superflues.
La tête a la couronne, le bandeau, le diadème, le
toenia, le casque, les épingles à cheveux, le stylet ou la flèche, l'aigrette,
les affiquets, les fleurs, la ferronnière, le frontier, les plaques ou fers des
Hollandaises, le cache-malice d'Auvergne, le peigne, la résille, les fourches
des Japonaises, les épingles et les chaînes de bonnet, pour ne nommer que les
ornements de femmes; mais les hommes ont aussi leurs couronnes, insignes de
puissance; — leurs casques d'or et d'argent, insignes militaires; — la tiare et
la mitre, insignes religieux, et jusqu'à l'enseigne, ce gracieux bijou dont
nous parlerions avec complaisance, si nous en étions à décrire les merveilles
des XVe et XVIe siècles.
Pour accompagner l'air du visage, presque toutes les
femmes et quelques hommes portent aux oreilles des boutons, des boucles ou des
pendants, et, si la mode vous en paraît étrange et barbare à vous, mesdames,
notez que ce ne sont pas seulement les sauvages qui se percent la cloison
nasale pour y suspendre des anneaux, les Indiennes, les jolies nautch-giyls,
les bayadères ont, outre cet ornement, des boutons d'or ou de pierreries
qu'elles attachent sur le nez même, et cela ne les empêche pas de séduire par
leur grâce les Européens qui les voient.
Au cou : le collier, la chaîne, le carcan, le
hausse-col, la médaille, le reliquaire, la croix, le peut-à-col, les perles,
les amulettes et la bulle, ce joli bijou perdu.
Au col encore ou sur la poitrine, non plus sur la peau
nue, mais bien sur le vêtement : la broche, l'épingle, le fermillet, la fibule,
les plaques de corsages, les fermoirs et les mors de chapes, la patère, le
poitrail, les plaques de seins, les boutons, les ferrets, le reliquaire, le
médaillon, la chaîne d'ordre et toutes les croix et les ordres qui constituent
les insignes ou décorations, et sont depuis la plus haute antiquité jusqu'à
nous le plus envié des bijoux.
A la taille : la ceinture, l'agrafe, la boucle, la
chaîne, les patenostres, l'escarcelle, la montre, la châtelaine, les claviers,
les plaques de fermoir, les netzkès, le flacon.
Aux bras : les anneaux et les armilles, les bracelets,
spinthers, péricarpes ou dextrales, les torques gauloises ou romaines, les
chaînes et les manicles.
Aux jambes : les anneaux ou périscélis et ces jolis
ornements qui sonnent en cadence quand la danseuse indienne se meut et les
agite.
Aux mains : l'anneau, la jolie bague, dont la
description, dont l'histoire, dont les dessins représentatifs nécessiteraient
tout un livre, depuis l'anneau des fiançailles et l'alliance des époux jusqu'à
l'anneau d'investiture que les princes recevaient du pape, depuis l'anneau de
Saint-Pierre jusqu'à l'anneau du doge, qu'il jetait à l'Adriatique, depuis la
bague à tirer de l'arc jusqu'à l'anneau gravé qui servait à sceller toute chose
avant l'invention des clefs et des serrures. — C'est l'histoire entière des
sceaux et des pierres gravées, c'est la série des légendes, depuis celle de
Gygès et de Candaule jusqu'à celle de la grande Catherine et de son favori
Potemkin. Je ne vous raconterai pas la première, parce que vous la connaissez
et je ne vous dirai pas la dernière, parce qu'elle est un peu trop libre.
Les pieds ont aussi leurs parures; si Laïs y mettait
des bagues, Mme Tallien ne craignit pas de ressusciter la mode antique;
certains souliers mignons qu'on porte au sérail sont constellés de pierres
serties dans l'or. Le musée d'artillerie contient des éperons qui sont d'un
admirable travail et, si Annibal avait envoyé à Carthage un boisseau d'anneaux
d'or, pris aux chevaliers romains et ramassés dans la plaine de Cannes, les
Flamands à Courtray prirent aux chevaliers français tués dans la bataille 4 000
éperons d'or.
Vous voyez, par cette énumération, de combien de
bijoux se peut parer le corps de l'homme ou de la femme; il y en a pour tous
les âges, pour toutes les conditions; pour l'enfant, pour la jeune fille, pour
la femme, pour la mère; il y en a pour l'homme, bourgeois ou soldat, pour
l'esclave comme pour l'homme libre; il y en a pour le sauvage comme pour
l'homme au dernier degré de la civilisation; il y en a pour le roi, pour le prince,
pour le capitaine, pour le page, l'évêque, le prêtre et le clerc; il y en a
pour l'idole, il y en a pour le mort, et cette masse énorme de bijoux civils ou
religieux, royaux ou guerriers, sacrés ou funéraires, va se subdivisant selon
les temps, selon les âges, selon les styles, selon les modes, selon la
richesse, selon le caprice, jusqu'à l'infinie variété, en sorte qu'ils
formeraient le plus grand et le plus étonnant musée si on avait pu les
conserver; mais, par une conséquence directe de leur prix, de leur valeur, ils
ont de tout temps éveillé la cupidité et l'envie; on travaillait pour les
obtenir, on se battait pour se les ravir; l'or et l'argent dont ils étaient
faits subissaient de continuelles façons, allant du trésor au creuset, du
creuset à l'atelier de l'artisan, de ses mains à celles du riche et du
puissant, passant de celles-ci au cou de la femme, puis arrachés par le
vainqueur, retombant au creuset et recommençant de nouvelles transformations.