Il y a quelques années, la secrétaire générale d'une grande entreprise internationale, me demanda si je pouvais passer au siège pour étudier une possibilité de projet. On ne refuse pas de pareilles occasions et j'acceptais le rendez-vous fixé avec les directeurs du service publicité et marketing. Cette grande maison, désirait fêter le départ de son ex PDG qui prenait de nouvelles fonctions en Allemagne. Au cours de la réunion qui suivit, ils me demandèrent si j'avais une idée pour un cadeau qui reste, et en métal précieux. Après avoir fait un tour d'horizon, je demandais si leur ancien Directeur Général avait un "dada", "oui, le Golf". "Je pourrais vous faire un porte-clefs balle de golf en or, avec la chaine de porte- clefs en or".
"Hum !!!!" A leur mine, je voyais que cela ne convenait pas. Je leur demandais donc un peu de temps
Pour réfléchir et revenir avec un projet.
Il n'y avait plus qu'a s'y mettre, j'avais bien une idée, mais pour la réaliser !!!! Car il y avait un délai. Je fis appel à quelques copains, Olivier voulait bien m'aider et donc je retournais proposer un dessin :
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"Voilà Madame, Messieurs, ce pourrait être un objet à poser sur son bureau, je propose de symboliser l'herbe du terrain de golf par une plaque de Malachite, la balle de golf serait en or gris rhodié, une montre à quartz à l'intérieur, le Wood serait un lamellé collé de bois précieux, le manche en or jaune, et le lien entre le bois et le manche serait un poil d'éléphant, la taille 16/24 cm environ"
Tour de table, question désagréable "le prix" ?
Bof, l'essentiel, je repartais avec la commande.
Content, pour l'avoir eu, alors que cette grande maison pouvait demander à nos grandes maisons de Joaillerie, et content parce que pour un artisan, c'est tellement motivant de faire un travail inhabituel.
Et c'est à partir de là que les ennuis commencent, cela ne vient pas de la partie métal précieux, mais d'abord de la malachite.
Pas de plaque de malachite, a Idar Oberstein, ou à Paris personne n'a une aussi grande plaque. Les amis parisiens finissent par m'expliquer "tu comprends bien qu'avec une grande plaque comme cela, on peut tailler pleins de petits objets, que déjà il faut trouver la pierre brute, mais que de toutes façons !!!!"
Et la date, impérative...il y avait un grand repas de prévu, des personnes venant de l'étranger, enfin, tout quoi !
Ensuite, "Dis donc, ton poil d'éléphant, t'as vu la taille qu'il faudrait ?" "T'as pensé à demander à Giscard ?"
Bon on remplacera par un fil d'Argent. Pendant ce temps je contactais les fournisseurs d'écrins. Les allemands si dynamiques en matière d'écrins me dirent d'emblée que sortis de leur fabrication habituelle, pas de pièces spéciales. Les Italiens pareils, les Français pas mieux. "Tu devrais téléphoner à ....... C'est lui qui fait ceux des grands de la place Vendôme" Oui mais moi, pas grand de la place.
"Vous n'y pensez pas monsieur, (avec un air de majordome qui s'adresse à un non initié) c'est tout un travail, et de plus, quinze jours !!!!!" Vraiment il n'arrivait plus à respirer.
Alors comme cela m'était déjà arrivé plusieurs fois, je fis appel à ma copine Elisabeth. Je lui téléphonais à Granville dans la Manche en lui disant que le mieux, c'était qu'elle veuille bien venir à Rouen qu'on en discute.
Totalement calme "so british" elle avait appris l'ébénisterie au pays de Galles je crois, elle m'écouta gravement lui demander de faire une boite en bois, si possible précieux, pour mettre notre objet, et si en plus cela pouvait avoir de la gueule, ce serait encore mieux. Le prix? "eh bien, tache de ne pas m'écraser, mon devis est serré" Elle repartit à Granville, me téléphona deux ou trois fois pour me dire qu'elle réfléchissait et que…"Tu sais qu'on n'a pas le temps !!"
Enfin ! en dédoublant par un sciage une plaque de malachite, (cela se voit sur la photo) et en la collant sur un socle de pierre colorée dans le même vert que la malachite, le premier problème était résolu. Il était décidé de faire la balle de Golf en entier avec la partie supérieure ouvrante,
La plaque de couche du Wood est en Cornaline, les vis sont en or, le lamellé collé est en poirier, citronnier et palissandre. Pour l'écrin, obligé de faire confiance à Elisabeth, mais j'avais l'habitude, il fallait juste que je m'assure moi-même que tout irait bien !! Et...et..vint le matin de la livraison, Elisabeth, toujours flegmatique, m'apporte son travail. Le coffret sort de son carton, nous le mettons sur une table du magasin, et une fois le papier enlevé...eh bien, on parle peu, "C'est bien, c'est très bien" c'est un bois magnifique, et tu as fait l'ouverture en biais ?" Je touche, j'adore toucher, c'est une partie de ma vue, je la laisse parler, (pour ceux qui me connaissent !!) elle m'explique que de toutes les formes envisagées, c'était le cube qui lui avait paru le meilleur volume. Mais elle trouvait "froid" l'ouverture sur une face seulement, alors elle avait tiré une diagonale, j'entendais tout ce qu'elle disait mais je découvrais et je pensais à plein de choses en même temps. "Quels bois" ... "Du sycomore et de l'ébène". Elle avait souligné certaines lignes avec le noir de l'ébène, elle attira mon attention sur la charnière ...réalisée en bois !!! oui ..oui.. En bois.
Puis pour ouvrir, on le voit bien sur la photo, en bas du coté ouvrant, comme un coin de page de livre légèrement courbé. Je ne pouvais que dire "Merci Elisabeth" entre manuels, nous savons l'effort et la perfection de chacun, surtout les autres car moi je suis toujours pressé. Elisabeth s'appelle Beaupère, elle n'a pas pu vivre décemment de son art, maintenant on fait moins bien, mais tellement moins cher dans le sud-est asiatique, elle avait plus ou moins arrêté, je la retrouverais un jour, car elle a du talent, de celui qu'on nomme universel.
Une dernière surprise, tout était fin prêt, il fallait livrer, à 20 heures, dans une salle particulière d'un restaurant. Il était temps que j'arrive, tout le monde était là, j'ai ouvert mon paquet, le récipiendaire est venu, a ouvert le coffret, nous avons sorti "l'objet Golf", il l'a regardé, a ouvert la balle de golf, a vu la montre, et a tiré sur le manche du club, celui en or jaune, alors je suis intervenu et je lui ai dit "attention, il n'y a pas si longtemps qu'il est collé" et alors, avec son merveilleux accent du Piémont, il m'a demandé, "ce n'est pas un stylo?" Eh non ! je n'y avais pas pensé.