Livre de police des années 1800 |
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Un forum récent ou nous débattions sur le livre de police, nous a amené des réflexions sur les obligations paperassardes bien françaises qui en découlent.
Alors, nos amis étrangers lorsqu'ils lisent nos débats, nous disent leur bonheur de produire assez librement, c'est peut être ignorer nos caractères latins qui ont quelquefois besoin d'être encadrés!!!!!!??????
Il m'est donc venu l'idée de vous expliquer comment nous en sommes arrivés là, en clair, de quand date le contrôle de la Garantie.
Il est évident qu’il existait des règles relatives aux titres des métaux avant l’an 1260, mais variables selon les lieux de production, mais c’est en 1260 qu’apparait un premier statut pour les orfèvres.
Etienne Boileau, prévôt de Paris sous Louis IX, rédige le "livre des métiers" qui réglemente les corporations d’arts et métiers. La charte parisienne des Orfèvres impose notamment à ces derniers, diverses prescriptions afin de garantir le titre des ouvrages. Le livre mentionne :
« Aucun Orfèvre ne peut travailler d’or à Paris qui ne soit à la touche de Paris ou meilleur,….d’argent qu’il ne soit comme esterlin ou mieux »
Mais comment contrôler l’application de ces règles et règlements et par là même de punir ceux qui les enfreignaient ?
C’est pourquoi il fut décidé d’obliger les maitres orfèvres à marquer leurs ouvrages d’un poinçon spécifique, n’appartenant qu’à leur personne.
le poinçon de « maitre »
Ce fut le premier poinçon, il fut institué pour l’argent.
En 1275, Philippe III Le Hardi prescrit par une ordonnance royale, la marque des ouvrages, au moyen d’un poinçon propre à chaque communauté d’orfèvres, par ville, et dans tout le royaume.
En 1313, son successeur, Philippe IV le Bel, étend l’usage de la marque aux ouvrages d’or.
« Voulons et ordonnons que en chaque ville ou il y aura orfèvres ait un seing propre pour y signer les ouvrages qui y seront faits »
exemples de poinçons de communautés d'Orfevres |
En 1355 une ordonnance royale de Jean II Le Bon impose à tout orfèvre d’apposer sur les ouvrages de sa fabrication un poinçon spécial représentant une fleur de Lys couronnée, muni d’un symbole personnel.
Au vu des pièces de cette époque qui sont parvenues jusqu'à nous aucune ne porte ces poinçons, et il semble que ces décisions royales soient restées sans effet, mais….on y avait pensé.
Création sous Henri III en 1579 d’un droit sur les ouvrages d’or et d’argent bientôt appelé droit de remède. Le « remède » étant l’alliage que les orfèvres mettaient dans leurs ouvrages pour les rendre plus liants et les travailler plus facilement.
Louis XIII par une ordonnance du mois d’octobre 1631 révoqua les précédentes et pour remplacer le droit de remède, créa un droit de 3 sous par once d’orfevrerie; Mr Labellande, dans son « traité général des aides » nous dit que les premières recettes furent affectées au rétablissement de la Sainte Chapelle et au Palais.
Cette nouvelle taxe ne semble pas non plus avoir été suivie d’effet car il n’en est même pas fait mention dans la déclaration du 17 février 1672
Cette déclaration de 1672 d’après BL Raibaud (auteur du Traité de la Garantie) abrogea les lois de Philippe le Bel et successeurs ; mais elle fixa le poids des gros ouvrages dont la fabrication fut permise, et pour la première fois on laissa libre cours au commerce de l orfèvrerie...... Pas pour longtemps!
Depuis deux siècles, les découvertes des mines du nouveau monde avaient créé une abondance de métaux précieux qui ne pouvait qu’être avantageuse pour le commerce et l industrie.
En 1674 Colbert met en place un " droit de marque et de contrôle " tarifé par l’ordonnance de 1681, et l’accompagne d’un vaste mouvement de rationalisation des impôts avec l’instauration de la Ferme générale.
Au passage en 1679 Louis XIV édicte un règlement général fixant, entre autres, la dimension des poinçons de maitre qui ne devaient pas dépasser deux lignes en hauteur et une ligne un quart en largeur (4,5 m/m sur 3)
Ce qui permit d’augmenter ces droits sous pretexte de payer les officiers essayeurs et contrôleurs réunis à la ferme de la marque d’or, par les édits de 1718 et 1723. Ces droits furent appelés droit de Seigneuriage et droit de marque d’or.
Une institution royale de la perception avec ses poinçons propres de charge et de décharge et ses règles particulières de marque s’est progressivement mise en place à côté de la réglementation corporative du titre (poinçons de jurande).
Revenons sur le poinçon de Maitre
Ci dessous poinçons de Nicolas Hilaire Vilain en de 1727 à 1740
et Jean Nicolas Picard 1682 à 1747
Jusqu'à la fin de l ancien régime, il comprend les initiales du Maitre, avec un symbole particulier appelé « différent » (Une mitre, une rose, un oiseau, ou poisson, pour ma part une croix celtique) le tout surmonté d’une fleur de lis, couronnée et assortis de deux grains dits « grains de remède » Ces fameux grains (ou petits points) rappelant à l origine la limite extrême de la tolérance du titre de paris.
Poinçons de Charge et Décharge de l'ancien régime |
Nuit du 4 août 1789 L'abolition des privilèges, parmi lesquels figuraient ceux des membres de la corporation des orfèvres, est proclamée.
Le 2 mars 1791, la loi Le Chapelier pose le principe de la liberté du travail et réalise de façon plus concrète l'abolition des jurandes et des maîtrises en interdisant les associations professionnelles.
En avril 1791, les impôts indirects sont supprimés. A partir de cette période, il n'existe donc plus ni organisme exerçant un contrôle sur les titres de métaux précieux, ni impôts sur ces métaux..... Pas pour longtemps non plus!
Mais voila, c’était sans compter avec la roublardise de certains qui se mirent à frauder, et puis aussi la perte de revenus pour le trésor public .
Au passage une petite anecdote, il y a des années, au bureau de Rouen, nous devions faire essayer nos pièces pour qu’elles soient poinçonnées et nous rendre ensuite 2 étages plus bas pour régler les droits avant de remonter les deux étages pour récupérer nos pièces. On faisait la queue derrière un comptoir ou se tenait une fonctionnaire tatillonne et comme je n’en ai jamais raté une pour l’ouvrir à mauvais escient, quand enfin fut venu mon tour , je saluais notre Marilyn usagée de la fonction publique par un tonitruant « Bonjour mon trésor » ce qu’elle prit mal, je lui expliquais en vain que le "trésor public" que nous inscrivions sur les chèques remis a cette dame» de par définition était a tout le monde et que par là même elle était « mon trésor » La réponse fut sèche, elle appela celui qui était derrière moi et me dit revêche »je vous prendrais en dernier » nos rapports ne s’arrangèrent que par la reforme du service.
Donc le gouvernement à la suite d'une déclaration d'urgence du Conseil des Anciens, la loi "relative à la surveillance du titre et à la perception des droits de garantie des matières et ouvrages d'or et d'argent" fit fabriquer de nouveaux poinçons et créa un droit de garantie de 20 frs par hectogramme d’or indépendamment des droits d’essais .ce fut la loi du 19 Brumaire An VI (9 novembre 1797)
19 brumaire An VI: 9/11/1797 |
On simplifia les règles, avant les fabricants étaient obligés d’apposer un poinçon dit de « charge » sur les ouvrages en fabrication ou de faire la déclaration au bureau du fermier de toutes les pièces qui ne pouvaient supporter ce poinçon. (art 8 et 9 de la déclaration du Roi du 26/1/1749 L’article 12 obligeait aussi les maîtres orfèvres de faire une nouvelle déclaration au bureau, toutes les fois qu’ils voulaient changer la destination des ouvrages commencés ,le tout a peine de confiscation et de 100 livres d’amende pour « chacune des pièces auxquelles il aurait travaillé »
De là venait les termes « A charge et à décharge »
Résultat, cela retardait le travail, provoquant des révoltes de la part de certaines communautés d’Orfèvres
Une nouvelle loi sur les finances du 28/4/1816 maintient le droit de garantie, ainsi que celui du décime par franc sur tous les impôts indirects
Mais une autre loi du 5 ventôse an 12 article 80 a confié à l administration des droits réunis (devenus plus tard contributions indirectes) la perception du droit sur les ouvrages d’or et d’argent, en laissant à l administration des monnaies la surveillance des bureaux de garantie.
Pour une fois, diviser pour mieux régner ne marcha pas, les fonctionnaires ne savaient plus ou étaient les limites de leur « territoire »
Une ordonnance du 5 mai 1820 fixa définitivement leurs attributions respectives dans cette matière.
Elle concerne en effet les titres, les poinçons, les droits de garantie, les bureaux de la Garantie et leur personnel aussi bien que les diverses obligations des orfèvres pour la fabrication et la vente de leurs ouvrages, l'affinage des métaux et la répression des fraudes.
Les poinçons "officiels" vont remplacer les poinçons de jurande et de la marque (charge et décharge). Cette loi fixe les bases de la Garantie.
Vinrent les années 1994 et la récente grande réforme …….
J'exprime un regret que comprendront ceux qui sont attachés à l histoire, aux traditions de nos métiers, le regret qu'aient été supprimés les poinçons de Maître qui ont été remplacés par le poinçon de responsabilité.
Ces poinçons de Maître permettaient de savoir qui avait fabriqué un objet, et à quelle date il avait exercé et cessé d'exercer car les services de la garantie (a certaines périodes Le Préfet) devaient veiller a ce que jamais deux poinçons ne soient semblables au niveau du Symbole.
Admettons qu'un Jean Jules Renard se présente pour déposer ses initiales et une croix celtique, il ne l'aurait pu. Il fallait qu'il trouve un autre Symbole
Les poinçons de la garantie officielle nous permettaient de savoir dans quelle ville avait été insculpé l'objet.
Ainsi un Béta grec couché (certains disent que c'est un O en dialecte Athénien) gravé dans la tête d'aigle de l'or nous permettait de savoir que cet objet avait été insculpé à Rouen.
Donc un bijou marqué "JJ croix celtique R" avec une tête d'aigle ayant un Beta grec dans la chevelure de l'aigle, permettra à un un spécialiste, un expert, un commissaire priseur instruit, de dire que c'est un bijou en or 750/1000° (anciennement 18 carats) fabriqué par jean jacques Richard qui fut Joaillier, maitre Artisan à Rouen au 7 de la rue Saint Lo, établi en ces lieux de 1972 à 2006.
C'est terminé et c'est dommage.
On peut toujours graver une "marque" sur un bijou, rien ne permettra de dire que celui ci a été fabriqué en Thailande, à l'ile Maurice ou en Chine.
Un rappel des poinçons ayant cours depuis 2009