jeudi 11 février 2021

Niederman: le parcours d'un homme qui voulait être Joaillier


Quel Destin!, Le joaillier que je veux faire connaitre est parti de Moukatchevo nom actuel ukrainien  en 1910, pour émigrer vers Paris, et le 3/12/1923 il était immatriculé au registre du commerce de Paris. Mais Le 17 juillet 1942, lors de la rafle du Vel' d'hiv, La police française l'arrête et le transporte sur un brancard jusqu'au camp de Drancy, d'où il part pour Auschwitz le 22 juillet 1942 par le convoi n°9.



La famille Miller, mère, fille, et un personnel charmant me demande ce que je pense de ce poinçon.

Nous aurions besoin de vos lumières ! Peut être pourriez-vous nous renseigner sur ce poinçon, un G et un N avec une flèche au milieu. Il est présent sur un superbe bracelet diamants et platine des années 1900. Nous ne l’avons pas trouvé dans le livre des poinçons. Voici les photos ! Bel après-midi à vous !

Miller 233, rue de Saint Honoré, Paris 1er  :  https://www.miller.fr/




Pour moi, c'est "Gerson Niederman" avec une fléche comme symbole.






J ai vérifié dans un de mes annuaires "Azur " de 1930 


Pratiquement rien sur lui, aux archives de la bibliothèque nationale, c'est un fabricant à façon, de bons artisans qui travaillent pour d 'autres, mais remarquez bien le 37 boulevard Saint Martin ,Son atelier était dans son appartement. Le prénom aussi, c'était peut être francisé en Gaston, il avait du adopter celui-ci a son établissement en France.

Avec ma (petite) expérience je commence à savoir où chercher et j ai trouvé une histoire vraie, la sienne, dure, triste  peut être un peu longue mais que je vous conseille de lire.

Il s'était fait remarquer, certainement involontairement avant la guerre, et avait du être fiché.




Même nom de famille  , même métier, meme adresse dans le journal "Paris Soir" du 21/02/1942
Le prénom est étrange, Ejeza!

Surtout, ne vous fiez pas  à cet article du journal "Paris Soir"  la preuve, il parle de "Bijoutier Juif", d'ou lui venait ce renseignement ?, Niederman était bijoutier juif, comme moi je suis breton et de sensibilité catholique!!!!!
Car  Le 11 juin 1940, Jean Prouvost qui était le patron de ce grand journal,  quitte Paris et continue la publication à Nantes, puis en zone non-occupée, tandis que les locaux parisiens sont utilisés par les Allemands qui font paraître leur Paris-Soir du 22 juin 1940 au 17 août 1944, avec Pierre Mouton comme rédacteur en chef.
Les Allemands, arrivés le 14 juin, réquisitionnent le journal classé d'« intérêt public » : c'est le plus gros tirage à l'époque. On y affecte le lieutenant Weber, marié à une Française et connaissant parfaitement le français. Il entre dans l'immeuble parisien de la rédaction rue du Louvre, et ne trouve qu'un liftier alsacien, nommé Schiesslé. Celui-ci est aussitôt nommé directeur général, et voit sa paye triplée, pour justifier la spoliation. Paris-Soir paraît dès le 22 juin, avec des rédacteurs embauchés à la va-vite. Un peu plus tard, les écrivains Georges Claude, Pierre Hamp, Henri Cochet écrivent des articles, avant de se rendre compte que le journal n'est plus ce qu'il était.(Wikipedia)
C'est donc le texte d un journaliste antisémite, il faut savoir que de tous temps, les bijoutiers ont acheté de l or, à des particuliers, en salle des ventes , etc...Ce n'est pas toujours facile de savoir si le vendeur est un voleur, un escroc, un receleur.

Mais dans mes recherches , cela me permettait de trouver quel était le Niederman Joaillier.
« Je, soussigné Robert Niederman, certifie les faits suivants :Mes parents sont originaires de l'ancien empire austro-hongrois. Mon père, Gaston Niederman, est né à Munkacs le 16 mai 1893, et ma mère, née Hélène Krausz, à Budapest le 5 décembre 1900. Mon père avait immigré en France avant la première guerre mondiale et ma mère juste avant leur mariage qui eut lieu à Paris en 1924.Je suis né le 22 juin 1925 à Paris, de même que mon petit frère Emile, le 9 septembre 1927. Mon père était joaillier-bijoutier et avait installé son atelier, depuis 1924, dans l'appartement que nous occupions à Paris au 37 boulevard Saint-Martin. Ma mère se consacrait à la famille. Nous avons fréquenté l'école maternelle, la communale puis le lycée.

Le titre de Juste parmi les Nations devrait être attribué à Joseph Gallo à titre posthume, et à sa femme, Ludovina Gallo, toujours en vie et qui est en contact étroit avec ma fille Brigitte. »   J ai trouve ce texte  et une photo sur le site de l'AJPN.



Portrait de Gerson Niederman

Ce sont donc bien les même données que celles de son poinçon de Maitre, citées plus haut, c'est donc bien notre Joaillier.

Mais je trouve aussi  un site pédagogique qui lui consacre une recherche sur sa famille.

http://echo-de-leurs-voix.org/les-niederman/

Geza Niederman est né à Munkacs le 16 mai 1893. Il arrive en France en 1910, pour se perfectionner dans l'art de la joaillerie. Durant la Première Guerre Mondiale, il est interné en Corse, en tant que ressortissant d'un pays ennemi, l'Empire austro-hongrois. 
Après la guerre il acquiert la nationalité tchécoslovaque. Lors d'un voyage, il s'arrête à Vienne où il se rend chez Salomon Krausz de la part d'un ami rencontré en Corse. Il fait connaissance de la fille de Salomon, Ilonka (Hélène). Quand cette dernière arrive à Paris en 1924, les deux jeunes gens se retrouvent et Geza demande Hélène en mariage. Ils se marient et s'installent au 37 bld Saint Martin (Paris 3ème), où Geza crée son atelier de joaillerie. Geza et Hélène ont deux enfants : Robert en 1925, Émile en 1927. A la fin des années 30, Louis et Marcel, deux des frères de Geza, le rejoignent en France avec leurs épouses, Elly et Rose. 
En 1940, les mesures anti-juives poussent Geza à se déclarer au commissariat. Légaliste et très attaché à la France, il veut penser qu'il ne sera pas inquiété. La même année, son atelier est aryanisé. Geza souffre de graves problèmes cardiaques. Le 17 juillet 1942, lors de la rafle du Vel' d'hiv, il est alité en raison d'une angine de poitrine. La police française l'arrête et le transporte sur un brancard jusqu'au camp de Drancy, d'où il part pour Auschwitz le 22 juillet 1942 par le convoi n°9.
Il ne reviendra pas





Voilà! Nous partons d' un bijou et nous arrivons à retrouver l' histoire de celui qui l'a fabriqué avec talent, car ces emmaillements ne sont pas faciles à réaliser.

Geza Niederman  à 17 ans était parti de Munkacs,  Munkacs (hongrois;Mukachevo, Ukrainien .; Mukacevo, tchèque et slovène) était la capitale commerciale de la région transcarpatique de l'Ukraine. Ses nombreux noms reflètent le carrefour culturel de son emplacement. La ville appartenait à la Hongrie jusqu'en 1920, à la Tchécoslovaquie (1920–1938) et à nouveau à la Hongrie de 1938–1945.
Pourquoi partir? 
Au moins en partie en raison de leur isolement géographique, les Juifs de la Russie sub-carpathique Afficher ce terme dans le glossaire étaient parmi les plus pauvres d'Europe. Vivant parmi une majorité paysanne, un grand pourcentage des Juifs était employé dans les travaux manuels et agricoles. Néanmoins  jusqu'en 1939 la communauté  était bien intégrée et assez heureuse.

Après la guerre il acquiert la nationalité tchécoslovaque. Lors d'un voyage, il s'arrête à Vienne où il se rend chez Salomon Krausz de la part d'un ami rencontré en Corse. Il fait connaissance de la fille de Salomon, Ilonka (Hélène). Quand cette dernière arrive à Paris en 1924, les deux jeunes gens se retrouvent et Geza demande Hélène en mariage. Ils se marient et s'installent au 37 bld Saint Martin (Paris 3ème), où Geza crée son atelier de joaillerie. 




Voici l'immeuble où il habitait et travaillait au 37 boulevard Saint Martin 2 eme étage au dessus de l'entresol, à gauche en venant de la place de la République et en allant vers la porte Saint Martin.
C'est en 1924 qu' il demande un poinçon de Maitre.




Il se met au travail et commence par poser une plaque de laiton sur sa porte

Une chance et j' expliquerai plus loin comment, il nous est possible de voir aujourd' hui une partie de ses dessins de 1925 qu'il proposait à ses clients



Par exemple ces boites de montres qu'il devait proposer sur un cordonnet de soie ou sur un lacet de cuir. entre 1925 et 1930


Bel ensemble de boites de montres avec diamants


Ses dessins étaient étaient présentés dans des cahiers de ce genre 


Je situe ces dessins vers 1924-1925





Ces bracelets sont superbes , entre 1925 et plutôt 1930, j 'espère qu' ils apparaitront dans une vente aux enchères,...  un jour.




1930?


De nombreux dessins de broches vont suivre, 




Ces bijoux sont ce qu il reste , mais d'autres ont certainement disparu










En 1940, les mesures anti-juives poussent Geza à se déclarer au commissariat. 
Légaliste et très attaché à la France, il veut penser qu'il ne sera pas inquiété. 
La même année, son atelier est aryanisé. 
Ce qui veut dire la confiscation, la spoliation, la mise en vente des biens, par un administrateur, nommé par l administration de Vichy et les Allemands qui va régler le dossier
J espère obtenir des archives nationales le dossier de Geza Niederman pour mieux comprendre  cette spoliation.

Geza souffre de graves problèmes cardiaques. Le 17 juillet 1942, lors de la rafle du Vel' d'hiv, il est alité en raison d'une angine de poitrine. La police française l'arrête et le transporte sur un brancard jusqu'au camp de Drancy, d'où il part pour Auschwitz le 22 juillet 1942 par le convoi n°9.

J ai pu parler longuement avec sa petite fille, Brigitte Avezou , qui m a expliqué que la concierge avait prévenu de la rafle, cette dame courageuse et honnête avait récupéré des affaires dans l 'appartement et les avait cachées dans la cave, l 'extra-ordinaire....c'est qu'elle leur a rendu tout à la libération..




Et l' avertissement a servi, car  Geza Niederman  était malade et  alité, il n'a pas voulu se sauver, mais sa femme Helene  lors de la rafle, parvient à fuir par l'escalier de service alors que la police française est dans l'immeuble. Hébergée quelque temps par Mme Lebel, qui a été son professeur de français à Vienne, elle gagne finalement Lyon dans un camion en septembre 1942, grâce à Robert qui a tout organisé. Tous deux rejoignent ensuite Émile qui les attend à Nice avec les deux frères de Geza, Louis et Marcel. 




A la fin de l'occupation italienne en septembre 1943, il faut fuir dans l'arrière-pays. La famille en est finalement réduite à se cacher dans la forêt, où elle est recueillie par Joseph et Ludovina Gallo. Joseph Gallo conduit Hélène à Monaco, où elle se cache chez un ami, avant de trouver une cachette au Cap d'Ail. Elle y reçoit trois messages de son fils Émile, arrêté autour du 19 juin 1944 et interné à l'hôtel Excelsior. Hélène ne peut rien faire. Elle ne reverra plus son fils. Elle reste au Cap d'Ail jusqu'à la libération de la région par les Alliés. Après la guerre, Hélène ne récupère son appartement qu'au terme d'une année de procès, année pendant laquelle elle réside à l'hôtel Cronstadt, rue Lamartine (Paris 9ème). Ensuite, elle reprend l'affaire de joaillerie montée par son mari et travaille jusqu'au début des années 70. Elle décède le 8 mars 2006 au Pérou, près de Robert et de son épouse Carmen.

En effet, je ne cesse de l'écrire, nombre de Juifs français ou étrangers  résidant en France, ont eu d'énormes difficultés à récupérer leurs bien spoliés par les services mis en place par Pétain et les Allemands.
Des copains et coquins avaient racheté leurs biens pour une bouchée de pain, en accord avec les administrateurs de biens juifs, les notaires, les huissiers etc....et après guerre expliquèrent que leur achat était officiel !, contresigné et garanti par le notaire!! Alors que certains par des procès de longue durée récupérèrent leurs biens, d 'autres sont morts avant.


Et le 14/09/1947 au journal Officiel de la République la France , il est publié des centaines de noms qui sont naturalisés, ou réintégrés (auxquels la nationalité avait été retirés parce que juifs)
NIEDERMAN (Martin), joaillier sertisseur, né le 23 juin 1907 A Mukacevo (Tchécoslova quie), et SADOKIERSK1 (Rozalia), sa femme, née le 25 février 1903 A Warszawa (Pologne), demeurant A Paris

1960

Tous les dessins qui suivent sont, je le pense, pour la plupart des années 50, certains 1960 et plus mais nous ne savons comment ils ont été exploités par Hélène Niederman après la Libération.

1960 env


Années 50


Années 50

Qui travaillait avec Hélène Niederman après guerre?  Nous ne le savons pas, du moins la famille ne le sait pas or j'ai trouvé dans les dessins que la famille a bien voulu accepter de me transmettre, peut être une indication.


Il est peut -être possible que ce Mr Garcia, soit le dessinateur  qui aida Hélène Niederman de la Libération aux années 1960
 

Tout ce qui suit semble avoir été dessiné dans les années 1946 à 1956































Le bracelet est en vente chez Miller (https://www.miller.fr/), et si le reste de cette histoire familiale vous intéresse et voulez savoir comment sa femme et ses enfants ont survécu à la haine nazie avec la complicité du Maréchal Pétain, allez sur ce site familial, qui rend compte de la misère  du peuple  juif ,que je ne peux appeler le "juif errant" mais le "juif chassé" et si certains français ont eu de l humanité et ont aidé, la plupart des autres avait des oeillères.....???

Un commentaire : richard.jeanjacques@gmail.com  

4 commentaires:

  1. C’est l’histoire de Monsieur tout le monde, français, qui s’est retrouvé dans l’horreur nazi, étonnant parcours d’un bijou qui révèle la vraie Histoire...👍🏻

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  2. Merci Carine!!mais aucune étude ne nous dit combien de bijoutiers Joaillers juifs(dans un métier ou ils étaient nombreux) ont subit cette horreur Nazie, combien de bijoutier Juifs en 1939 et combien survivaient en 1944? Personne n explique la responsabilité des autorités syndicales françaises dans ce désastre, car les services de l aryanisation demandaient toujours aux fédérations professionnelles avant d aryaniser. Pour nos métiers ce fut Mr Lanllier qui n était que secrétaire de la fédération HBJO qui donnait son accord, et pourtant après guerre il a été encensé.....

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  3. Intéressante recherche, digne d'un travail d'historien.
    Le parcours humain tragique de cette famille rejoint la grande Histoire.

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  4. Olivier Bachet
    dim. 14 févr. 12:04 (il y a 23 heures)
    À moi

    Bonjour Monsieur Richard

    C'est vraiment passionnant et tragique à la fois. Vous avez bien raison de remettre les choses en perspective et d'insister sur cette période. Bien entendu et comme d'habitude, il ne faut pas être manichéen mais les salauds restent quand même des salauds !
    Et il fallait en être pour dénoncer des familles entières avec en particulier les enfants. Des gens comme ce Mr Niederman qui va jusqu'à faire franciser son prénom pour appartenir à la communauté nationale méritait mieux de la part de ses nouveaux compatriotes. Quelle déception pour ces gens qui mettaient leur espoir d'une vie meilleure dans notre pays.
    PS : Si je dis qu'il ne faut pas être manichéens, c'est qu'aujourd'hui, avec la culture américaine qui nous envahit comme un cancer métastatique, les gens, sans aucun esprit critique, ne voient que les gentils ou les méchants. Je dis cela, car pour revenir sur la période de la guerre, j'ai l'exemple d'un grand oncle, membre de de l'Action Française à la fin des années 30, franchement d'extrème-droite avec de bons relents antisémite, qui fut un résistant de la première heure c'est à dire dès 1940. Autre exemple : Un ami intime de mes parents, juif polonais dont les parents avaient immigrés à Paris dans les années 20, fut sauvé avec sa famille, le jour de la rafle du Vel d'Hiv, par leur voisin, collabo notoire et futur milicien, qui les avait obligé à quitter leur appartement la veille.
    Bon dimanche
    Olivier

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