Cliquez sur toutes les photos pour les agrandir
Cela commence par: Il était une fois, un patenotrier et perlier, du nom de Maitre Jacquin.
Son arrière petit fils raconta sa légende , Jacquin-Junan qui habitait la rue du Petit-Lion, à Paris , entre les rue Montorgueil et Saint-Denis jusqu'en 1868, date à laquelle elle prend le nom de « rue Tiquetonne ».*
Jacquin vécut au 17 eme siècle et son invention date de 1686.
Un patenôtrier est un fabricant des chapelets (patenôtre qui vient de Pater Noster, la prière Notre Père). Organisés depuis la Renaissance en corporations ou en confréries, ils travaillaient sur des matières souvent riches, car les chapelets pouvaient faire appel à l'émail, aux perles, à la nacre, à l'ambre, à l'argent, au corail, voire à l'or. Les patenôtriers-émailleurs savaient imiter les perles, le jais, le corail et l'ambre. Ils utilisaient également du bois d'olivier.
Photo Poulpy — Travail personnel, CC BY-SA 3.0,
Au N° 10 de la rue du Petit Lion*, l' enseigne de "L'Arbre à Liège" une des rares enseignes médiévales conservées
*Ce n 'est pas une rue inconnue, Elle est citée sous le nom de « rue du Petit lion » dans un manuscrit de 1636 dont le procès-verbal de visite, en date du 22 avril 1636, indique qu'elle est "orde, boueuse, avec plusieurs taz d'immundices"
Alexandre Dumas y fait habiter son célèbre D'Artagnan.
Voici les armoiries de la corporation des patenotriers et perliers établis à Paris
Jacquin était, parait il un homme intelligent, d'une honnêteté exemplaire et renommé pour l'élégance de ses colliers et des ses perles fausses, il avait su attirer dans sa boutique tout ce que la cour et la ville comptaient de femmes du meilleur monde.
Cet homme était établi, avait pignon sur rue comme on disait à cette époque, un commerce prospère, il avait un fils, unique, qui allait épouser Demoiselle Ursule qui était la fille de son ami, et voisin apothicaire, Jacquin avait tout pour etre heureux et pourtant malgré ses ventes et ses bénéfice, il était soucieux.
Souci de vendre autant de perles fausses
Tout allait donc au mieux dans la maison, lorsqu'une cause bien futile en apparence fut sur le point de renverser cet édifice de bonheur.
Profitant du moment où tous les grands parents, réunis chez lui, signaient au contrat de mariage de son fils, maître Jacquin, s'adressant à Ursule, lui dit :
" Mademoiselle ma mie, venez çà, et causons de choses plus agréables, car vous avez sans doute remarqué que, dans votre contrat, comme dans tous les autres, on ne parle que de mort : c'est ce qu'on appelle des "espérances"....
Donc dans six jours, vous vous mariez à l'église de Saint-Nicolas du Chardonnet; comme il y aura nombreuse et belle compagnie, je désire, ma mie, que vous y paraíssiez gaillardement vêtue, telle enfin qu'il sied à la position de nos deux familles. Dites-moi donc, chère fille, ma mie, ce qui vous plairait le plus; parlez sans crainte; car, pour la femme de mon fils bien-aimé, il n'est rien que je n'accorde, je vous en donne ma foi.
" Eh bien, monsieur mon cher père, répondit Ursule, maintenant que j'ai l'honneur d'entrer dans votre famille, je ne forme plus qu'un vœu, donnez-moi un de ces jolis colliers que vous faites si bien. ››
Cliquez sur toutes les photos pour les agrandir
Le brave homme eut une sueur froide , embarrassé par cette demande qu il ne trouvait pas à la hauteur de ce qu il aurait désiré offrir à sa future bru. Il passa une bien mauvaise nuit il alla dès potron-minet marcher vers ce qu'on appelle désormais le Pont d'Asnières, et aperçut une masse de matière irisée donnant des reflets semblables aux plus belles perles d Orient.
Jacquin hèla un pêcheur et lui fit jeter son filet sur une quantité considérable de poissons car ce que Jacquin avait pris pour une matière inerte, n'était autre chose que des petits poissons connus sous le nom d'able ou d'ablettes.
Il emporta le tout dans son laboratoire , leur enleva les écailles et fit une pâte.
Dès le jour venu Jacquin tout joyeux s'empressa d'aller voir sa mixture mais, qu'elle ne fut sa déception, cette pâte si brillamment argentée, n'offre plus qu'une espèce de colle noire (colle de poisson?)
Il ne désespéra pas et se rendit chez son ami Apothicaire qui lui conseilla de remplacer l eau simple par de l'ammoniaque.
Trois jours après, Jacquin avait trouvé enfin la composition qu'il cherchait et radieux, il attacha au cou de Mademoiselle Ursule le plus beau des colliers qui fut jamais sorti de sa boutique.
Qu'avait il découvert, de si important qui soit encore fabriqué de nos jours:
L Essence d'Orient
1746 Dans les affiche de Paris Les Patenotriers protègent leurs confrérie en faisant interdire aux horlogers de les concurrencer dans leurs travaux.
C'est au commencement du seizième siècle que se développa la fabrication de perles artificielles à Venise. Au début ces perles artificielles recevaient à l intérieur de boules de verre différentes préparations, mais la plus courante était à base de mercure, lequel était très dangereux.
D'où l'importance de la découverte de Jacquin, une substance inoffensive et une coloration infiniment plus parfaite.
De plus l'ablette se trouvait dans la Seine, la Marne et le Loiret.
Pour obtenir l'essence d'Orient, Jacquin lavait les ablettes dans de l eau pure, puis il passait la masse a travers un linge et laissait reposer le tout.
Au bout de quelques jours, il décantait l'eau et obtenait pour résidu l'Essence d'Orient. Il lui fallait de 17 à 18000 ablettes pour obtenir 500 grammes de cette substance.
En 1816 il était écrit que
L'essence
d'Orient passe très-rapidement à la fermentation putride, surtout durant les
grandes chaleurs; alors elle commence par devenir phosphorique, puis elle se
fond en une liqueur noire.
Pour
faire les fausses perles , on mêle l'essence d'Orient avec de l'ichthyocolle,
et on en introduit une goutte, à l'aide d'un chalumeau , dans des globes de
verre creux, très minces, couleur de girasol ; on agite ces petites boules, pour
que la liqueur s'étende et s'attache sur toute la surface intérieure, et la
perle fine la plus belle se trouve imitée dans sa forme, dans ses nuances, dans
son eau, dans ses reflets, dans son éclat.
L'invention
et le perfectionnement des procédés suivis dans cette opération, sont dus aux
François; un marchand de chapelets de Paris, nommé Jannin, en est l'auteur.
C'est encore de notre capitale que le commerce des autres nations tire
aujourd'hui cette parure, lorsqu'il veut l'avoir aussi belle que possible.
Au
reste, pour que ces perles aient l'éclat désiré, il faut que les bulles de
verre soient de la plus grande ténuité, et que le verre dont elles sont faites
ne contienne que le moins possible de potasse et de plomb. Il faut aussi avoir
soin d'en remplir l'intérieur de cire blanche, lorsque l'enduit nacré qu'on y a
introduit est sec.
1858 dans le traité complet des pierres précieuses.
La
facilité avec laquelle l'essence d'Orient se putréfie , a pendant longtemps
fait de l'Académie royale des sciences pour l'année 1716 le désespoir des fabricans , qui étoient obligés d'employer, dans une
seule journée, toute celle qu'ils avoient obtenue du résultat d'une pêche. Il
n'y a pas plus de quarante ans qu'on a reconnu que l'ammoniaque liquide
conservoit parfaitement cette matière et même en augmentoit l'éclat, et
l'auteur de cette découverte, qui fut un secret pendant un assez grand nombre
d'années, a fait une fortune considérable.
Réaumur
a écrit un Mémoire fort curieux sur cette substance.
1860 Dictionnaire Français et illustré
On parle d'Essence d'Orient, mais pour les perles fines ou les perles de culture, on parle de l'Orient de la perle, retour sur ce que j'ai écris à ce propos:
Ci dessous qu'est ce que l orient d'une Perle? mon dessin explique ci-dessous le mécanisme qui le déclenche
Ci dessous qu'est ce que l orient d'une Perle? mon dessin explique ci-dessous le mécanisme qui le déclenche
La lumière frappe la 1 ère couche, et une petite partie est réfléchie de suite 1/16ème
Une partie de la lumière traverse la couche suivante qui à cause du retard apporté la vitesse de pénétration de la lumière, se disperse en vibrations colorées.
Une autre partie de la lumière est réfléchie et retourne à la surface.
Une réflexion partielle des vibrations colorées sortant de la première couche va pénétrer la 2 ème couche, puis une partie la troisième etc., alors qu’en même temps une autre partie remonte vers la surface.
Ce cycle recommence continuellement en se compliquant au fur et à mesure que la lumière pénètre à l intérieur de la perle et qu’augmente le nombre de couches traversées par les rayons pénétrants et retraversées en sens inverse, par les rayons réfléchis vers la surface. Vous aurez donc des phénomènes de gerbes de lumières, provoqués par ces interférences, qui vous donnent cet aspect velouté des perles que l on appelle « l’ORIENT » des perles.
L’autre partie du velouté de cet Orient provient des phénomènes de diffraction et d interférences produits par la surface de la perle sur la lumière incidente.
Fixez une perle des yeux, et bougez la entre vos mains, vous verrez cette lumière spéciale qui auréole les perles.
Plus la perle sera restée dans l huître, plus elle aura de couches perlières et plus son « ORIENT » sera profond.
Une partie de la lumière traverse la couche suivante qui à cause du retard apporté la vitesse de pénétration de la lumière, se disperse en vibrations colorées.
Une autre partie de la lumière est réfléchie et retourne à la surface.
Une réflexion partielle des vibrations colorées sortant de la première couche va pénétrer la 2 ème couche, puis une partie la troisième etc., alors qu’en même temps une autre partie remonte vers la surface.
Ce cycle recommence continuellement en se compliquant au fur et à mesure que la lumière pénètre à l intérieur de la perle et qu’augmente le nombre de couches traversées par les rayons pénétrants et retraversées en sens inverse, par les rayons réfléchis vers la surface. Vous aurez donc des phénomènes de gerbes de lumières, provoqués par ces interférences, qui vous donnent cet aspect velouté des perles que l on appelle « l’ORIENT » des perles.
L’autre partie du velouté de cet Orient provient des phénomènes de diffraction et d interférences produits par la surface de la perle sur la lumière incidente.
Fixez une perle des yeux, et bougez la entre vos mains, vous verrez cette lumière spéciale qui auréole les perles.
Plus la perle sera restée dans l huître, plus elle aura de couches perlières et plus son « ORIENT » sera profond.
1896 dans le journal Gil Blas, ainsi que le journal l' explique le prix des vraies perles avait augmenté de 20 % a cause des anglais qui détenaient les pêcheries
Rangs de fausses perles à l'Essence d'Orient enfilées sur un médaillon en bronze doré
1902: que recouvre comme sens, la patente de fabricant d'essence d'Orient?
En France, la patente est un impôt direct auquel est assujettie toute société ou toute personne exerçant à titre habituel une activité professionnelle non salariée
Cet impôt fut créé en France par l'assemblée constituante, par le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791 qui a supprimé les corporations et fondé la liberté du commerce et de l'industrie. Le but de la patente est alors de taxer un revenu présumé en fonction de l'outil de travail. Lors de son institution, la patente ne taxait que les loyers industriels
Pendant les années de guerre 14-18 et même en 1918, il fut interdit de sortir de France et de nos protectorats de l'essence d'orient.
Mais dans le Bottin de 1925, on pouvait en importer d'Allemagne
1925 dans le Bottin "Nacrer les statues"!!!
1929 le "Recueil des lois" nous indique que des peaux nacrée ou irisées sont traitées à "l essence d'Orient"
Je crois que cela se fait toujours au Maghreb.
Collier de fausses perles à l'Essence d'orient
1929 Le Hareng aussi.
Le
tribunal de Commerce de la Seine, à la date du 15 janvier 1925, stipulait qu'il
(fallait indiquer, dans la vente de perles de culture, l'origine particulière
des perles vendues (Voir Revue des Fraudes 4-5). Un jugement du tribunal corr.
de la Seine du 9 avril 1927. suivi d'arrêts de la Cour de Paris 28 juillet 1927
(R. des Fr. 31-32) et de la Cour de cassation (Revue des Fr. 49-50) fondait sa
décision sur les différences naturelles entre ces deux sortes de perles,
déclarant nécessaire, d'après les usages du commerce, l'indication de la
provenance, et annulant les ventes de perles de culture ne satisfaisant pas à
ces usages, mais s'abstenant, au bénéfice du doute, de condamner le prévenu.
Le récent jugement du trib. de la Seine va plus loin, et
faisant application de la loi du ler août 1905 réprime la tromperie sur les
qualités substantielles de la marchandise sans lesquelles l'acheteur n'aurait
certainement pas acheté. Ce jugement établit que l'élément d'origine est pour
les perles un élément capital, et que le terme « perle » tout court aussi bien
que celui de « perle fine » ne saurait s'appliquer qu'aux perles naturelles,
non aux perles de culture ; celles-ci doivent, sous peine d'infraction à la loi
du 1er août 1905, non seulement être signalées à l'acheteur, mais désignées
spécifiquement sous Inom « perles japonaises » ou « perles de culture ».
Voir
« Gazette du Palais » 24 mai 1930 ; et aussi 1925, 1.523 ; 1927, 2.284 ; et
1929, 2.863.
Essence
d'Orient. — Valeur légale de la décision des experts, et force non obligatoire
des instructions ef circulaires administratives.
En
matière de douane, le tribunal doit baser son jugement sur la décision des
experts, et n'est pas lié par les instructions et circulaires administratives.
L'essence
d'Orient, qui n'est autre chose que des écailles d'ablettes broyées dans l'eau,
doit être considérée comme un vernis et non comme une couleur dans la
tarification douanière.
1936 dans la "Revue de l industrie du cuir" le Nacrage des cuirs de Fantaisie
Dans le Bottin
Ces perles à l "Essence d'Orient, relativement résistante sont ainsi fabriquées à partir du règne d'Henri IV jusque vers 1920. Très appréciée et demandée par la bijouterie fantaisie et par la couture, cette production est cependant fragile.
Aussi, à la fin du XIX eme siècle, c'est une bille de verre opalin qui est recouverte d'essence d'Orient›› ; ce produit, d'aspect similaire, relativement résistant aux chocs et à la pression, est cependant susceptible de perdre des éclats de peinture.
Beaucoup moins chère que l'extrait d'écaille de poisson, l'«essence d'Orient synthétique›, à base de carbonate de plomb hydrate, toujours très utilisée dans le monde, aussi bien en Asie que dans l'ile de Majorque, est interdite en France par le ministère de la Santé publique pour éviter le saturnisme (décret du 9 janvier 1969).
D'autres produits de remplacement sont utilisés : oxychlorure de bismuth, l'oxyde de titane, les poussières de micas. Rares sont les usines qui se servent encore de l'«essence d`Orient››. Les billes de verre opalin sont parfois remplacées par du verre transparent, moins cher mais qui donne un reflet "creux", par de la nacre, dont les couches transparaissent sous le vernis orienté, par du plastique, etc. Le vernis peut être remplacé par une sorte de nylon plus résistant.
D'autres produits de remplacement sont utilisés : oxychlorure de bismuth, l'oxyde de titane, les poussières de micas. Rares sont les usines qui se servent encore de l'«essence d`Orient››. Les billes de verre opalin sont parfois remplacées par du verre transparent, moins cher mais qui donne un reflet "creux", par de la nacre, dont les couches transparaissent sous le vernis orienté, par du plastique, etc. Le vernis peut être remplacé par une sorte de nylon plus résistant.
Un petit rappel de la loi:
L’article 4, mentionne les qualificatifs que l’on peut retrouver pour compléter la dénomination des matières et produits (art. 4) : « reconstituée », « composite » , « synthétique » , « artificiel » ou « d'imitation ». L'emploi des termes : « élevé », « cultivé », « de culture », « vrai », « précieux », « fin », « véritable », « naturel » est interdit pour désigner les produits ayant ces qualificatifs.
L’emploi des termes « semi-précieux » et « semi-fins » est interdit pour désigner toutes les matières et produits mentionnés à l'article 1er. (art. 5)
Vendue a Drouot une épingle cravate «pompon» en platine (min.800 millièmes) et or
jaune (750 millièmes) composée de deux calottes ajourées serties de lignes de
diamants taillés en rose retenant cinq rangs de fausses petites
perles, à l essence d'Orient terminés par une importante perle baroque (non testée).
Transformation. Vers
1910.
Les formules des produits de couverture sont les secrets des fabricants, actuellement les boules sont en général en plastique alourdies d'un noyau métallique. Il n'existe aucune imitation trompeuse. A défaut de l'oeil néophyte, la loupe révèle immédiatement la nature de la supposée perle. Le plus grand fabricant actuel est Majorica qui produit de coûteuses et belles imitations dont il certifie par écrit l'authenticité!!!!!
Donc du faux, mais authentique!
«Ce sont les plus célèbres dans le créneau des fausses perles ou d’imitation», assure Jean Gautier .
Un livre dans le style de Emile Zola a été écrit sur un personnage, une ouvriere sur perles fausses à l écaille d'ablette, je publie un extrait ci-après.
En 1876, Charles Marie Georges Huysmans son nom de plume était Joris-Karl ,publie son premier roman, d'inspiration ouvertement naturaliste, "Marthe l'histoire d'une fille", qui a pour thème la vie et les déboires d’une jeune parisienne contrainte par une société cupide et sans scrupules à aller jusqu'à se prostituer pour survivre. Craignant la censure qui sévit alors en France, Huysmans fit d’abord éditer ce roman à Bruxelles.
La même année, il se lie d'amitié avec Émile Zola, dont il prend ouvertement la défense dans un vibrant article consacré à son dernier roman, L'Assommoir. Cet article restera dans l'histoire de la littérature comme un des tout premiers manifestes en faveur du naturalisme.
C'est un texte qui vaut la peine de le lire:
Après
dix ans de luttes stériles et de misères impatiemment supportées, Sébastien
Landousé, artiste peintre, se maria au moment où il commençait à être connu du
public, avec damoiselle Florence Herbier, ouvrière en perles fausses.
Malheureusement sa santé, déjà ébranlée par des amours et des labeurs
excessifs, chancela de jours en jours, si bien qu'après une maladie de poitrine
qui l'étendit, pendant six grands mois, sur son lit, il mourut et fut enterré,
faute d'argent, dans l'un des recoins de la fosse commune.
Apathique
et veule par tempérament, sa femme se redressa sous le coup qui la frappait, se
mit vaillamment à l'ouvrage et quand Marthe, sa fille, eût atteint sa quinzième
année et terminé son apprentissage, elle mourut à son tour et fut, comme son
homme, enterrée au hasard d'un cimetière.
Marthe
gagnait alors, comme ouvrière en perles fausses, un salaire de quatre francs
par jour, mais le métier était fatigant et malsain et souvent elle ne pouvait
l'exercer.
L'imitation
de la perle se fabrique avec les écailles de l'ablette, pilées et réduites en
une sorte de bouillie qu'un ouvrier tourne et retourne sans trêve. L'eau,
l'alcali, les squames du poisson, le tout se gâte et devient un foyer
d'infection à la moindre chaleur, aussi prépare-t-o'n cette pâte dans une cave.
Plus elle est vieille, plus précieuse elle est. On la conserve dans des
carafes, soigneusement bouchées, et l'on renouvelle de temps à autre le bain
d'ammoniaque et d'eau.
Comme
chez certains marchands de vins, les bouteilles portent la mention de l'année
où elles furent
remplies ; ainsi que la purée septembrale, cette purée qui luit se bonifie avec
le temps. A défaut d'étiquettes, on reconnaîtrait d'ailleurs les jeunes flacons
des vieux, les premiers semblent étamés de gris-noir, les autres semblent lamés
de vif argent. Une fois cette compote bien dense, bien homogène, l'ouvrière
doit, à l'aide d'un chalumeau, l'insuffler dans les globules de verre, ronds ou
ovales, en forme de boules ou de poires, selon la forme de la perle et laver le
tout à l'esprit de vin qu'elle souffle également avec son chalumeau.
Cette
opération a pour but de sécher l'enduit; il ne reste plus dès lors, pour donner
le poids et maintenir le tain du verre, qu'à faire égoutter dans la perle des
larmes de cire vierge. Si son orient est bien argenté de gris, si elle est
seulement ce que le fabricant appelle un article demi-fin, elle vaut, telle
qu'elle, de 3 francs à 3 fr. 50.
Marthe
passait donc ses journées à remplir les boules et, le soir, quand sa tâche
était terminée, elle allait à Montrouge chez le frère de sa mère, un ouvrier
luthier, ou bien rentrait chez elle et, glacée par la froideur de ce logement
vide, se couchait au plus vite, s'essayant à tuer par le sommeil la tristesse
des longues soirées claires.
C'était,
au reste, une singulière fille. Des ardeurs étranges, un dégoût de métier, une
haine de misère, une aspiration maladive d'inconnu, une désespérance non
résignée, le souvenir poignant des mauvais jours, sans pain, près de son père
malade; la conviction, née des rancunes de l'artiste dédaigné, que la
protection acquise, au prix de toutes les lâchetés et de toutes les vilenies,
est tout ici-bas; une appétence de bien-être et d'éclat, un alanguissement
morbide, une disposition à la névrose qu'elle tenait de son père, une certaine
paresse instinctive qu'elle tenait de sa mère, si brave dans les moments
pénibles, si lâche quand la nécessité ne la tenaillait point, fourmillaient et
bouillonnaient furieusement en elle.
L'atelier
n'était malheureusement pas fait pour raffermir son courage à bout de force,
pour relever sa vertu aux abois.
Un
atelier de femmes, c'est l'antichambre de Saint-Lazare. Marthe ne tarda pas à
s'aguerrir aux conversations de ses compagnes; courbées tout le jour sur le bol
d'écaillés, entre l'insufflation de deux perles, elles devisaient à perte de
vue. A vrai dire, la conversation variait peu ; toujours elle roulait sur
l'homme. Une telle vivait avec un monsieur
très bien, recevait tant par mois, et toutes d'admirer son nouveau médaillon,
ses bagues, ses boucles d'oreilles Toutes de la jalouser et de pressurer leurs
amants pour en avoir de semblables. Une fille est perdue dès qu'elle voit
d'autres filles : les conversations des collégiens au lycée ne sont rien près
de celles des ouvrières ; l'atelier, c'est la pierre de touche des vertus, l'or
y est rare, le cuivre abondant. Une fillette ne choppe pas, comme le disent les
romanciers, par amour, par entraînement des sens, mais beaucoup par orgueil et
un peu par curiosité. Marthe écoutait les exploits de ses amies, leurs doux et
meurtriers combats, l'œil agrandi, la bouche brûlée de fièvre.
Les
autres riaient d'elle et l'avaient surnommée « la petite serine ». A les
entendre, tous les hommes étaient parfaitement imbéciles ! Une telle s'était
moquée de l'un d'eux, la veille au soir, et l'avait fait poser à un rendez
vous; il n'en serait que plus affamé; une autre faisait le malheur de son amant
qui l'aimait d'autant plus qu'elle lui était moins fidèle; toutes trompaient
leurs servants ou les faisaient toupiller comme des totons, et toutes s'en
faisaient gloire! Marthe ne rougissait déjà plus des gravelures qu'elle
entendait, elle
rougissait
de n'être pas à la hauteur de ses compagnes. Elle n'hésitait déjà plus à se
donner, elle attendait une occasion propice.
D'ailleurs, la vie qu'elle menait
lui était insupportable ! Ne jamais rire! Ne jamais s'amuser! N'avoir pour
distraction que la maison de son oncle, une bicoque, louée à la semaine, où
s'entassaient, pêle-mêle, oncle, tante, enfants, chiens et chats. Le soir, on
jouait au loto, à ce jeu idéalement bête, et l'on marquait les quines avec des
boutons de culotte; les jours de grande fête, on buvait un verre de vin chaud
entre les parties, et l'on écossait parfois des marrons grillés ou des
châtaignes bouillies. Ces joies de pauvres l'exaspéraient et elle préférait
encore aller chez une de ses amies qui vivait en concubinage avec un homme.
Mais tous deux étaient jeunes et ne se lassaient de s'embrasser. La situation
d'un tiers dans ces duos est toujours ridicule, aussi les quittait-elle, plus
attristée et plus agacée que jamais! Oh! elle en avait assez de cette vie
solitaire, de cet éternel supplice de Tantale, de ce prurit invincible de
caresses et d'or! il fallait en finir et elle y songeait. Elle était suivie
tous les soirs par un homme déjà âgé qui lui promettait monts et merveilles et
un jeune homme qui habitait
dans sa maison, à l'étage au dessous, la frôlait dans l'escalier et lui
demandait doucement pardon quand son bras effleurait le sien. Le choix n'était
pas douteux. Le vieux l'emportait, dans cette balance du cœur, où l'un ne
pouvait mettre que sa bonne grâce et sa jeunesse et où l'autre jetait l'épée de
Brennus: le bien-être et l'or! Il avait aussi un certain ton d'homme bien élevé
qui flattait la jeune fille par ce motif que ses compagnes n'avaient pour
amants que des rustres, des calicots ou des commis de quincaillerie. Elle céda
n'ayant
seulement pas pour excuse ces passions qui font crier sous le feu et
s'abandonner corps et âme. Elle céda et fut profondément dégoûtée. Le lendemain
cependant, elle raconta à ses camarades, sa défaillance, qu'elle regrettait
alors ! Elle se montra fière de sa vaillantise et, devant tout l'atelier, prit
le bras du vieux polisson qui l'avait achetée !
Mais
son courage ne fut pas de longue durée ; les nerfs se rebellèrent et, un soir,
elle jeta à la porte argent et vieillard, et se résolut à reprendre sa vie
d'autrefois. C'est l'histoire de ceux qui fument et qui, malades d'écœurement,
jurent de ne plus recommencer et recommencent jusqu'à ce que l'estomac consente
à se laisser dompter.
Après une pipe,
une autre; après un amant, un second. Cette fois, elle voulut aimer un jeune
homme, comme si cela se commandait! Celui-là l'aima. presque, mais il fut si
doux et si respectueux qu'elle s'acharna à le faire souffrir. Ils finirent par
se séparer d'un commun accord — Oh! alors, elle fit comme les autres; une
semaine, trois jours, deux, un, la rassasièrent avec leur importunité des
caresses subies. Sur ces entrefaites, elle tomba malade et, dès qu'elle se
rétablit, fut abandonnée par son amant ; pour comble de malheur, le médecin lui
ordonna expressément de ne pas continuer son métier de souffleuse de perles.
Que faire alors? Que devenir? C'était la misère, d'autant plus opprimante que
le souvenir du bien-être qu'elle avait goûté avec son premier homme lui
revenait sans cesse. Elle s'essaya dans d'autres professions.
Commentaires apres cet article, ou ecrire a richard.jeanjacques@gmail.com
++
Il convient de noter de la procédure pour introduire l'essence d'Orient dans les perles en verres n’est pas évident. Dans une planche de l’encyclopédie Diderot et d’Alembert, dont je n’arrive pas à trouver mon exemplaire aujourd’hui, il montre comment faire. En effet les ouvriers doivent façonner des minuscules cônes en papier autour des aiguilles, puis les introduire dans les perles puis découper un des bouts avant de plonger les perles dans la liqueur d’essence d’Orient. .
RépondreSupprimerIl convient de noter de la procédure pour introduire l'essence d'Orient dans les perles en verre n’est pas évident. Dans une planche de l’encyclopédie Diderot et d’Alembert, dont je n’arrive pas à trouver mon exemplaire aujourd’hui, il montre comment faire. En effet les ouvriers doivent façonner des minuscules cônes en papier autour des aiguilles, puis les introduire dans les perles puis découper un des bouts avant de plonger les perles dans la cire.
RépondreSupprimerArticle précieux (c'est le cas de le dire) et passionnant. Merci pour cette synthèse fort bien documentée qui donne l'envie d'expérimenter cette technique oubliée. Je cours chez mon poissonnier pour moudre quelques écailles d'ablettes du Léman. Marc
RépondreSupprimerJe connais bien ces gravures de Diderot et d'Alembert, mais je considère qu'ils ont mis les étapes dans le mauvais ordre, c'est arrivé plusieurs fois dans l'Encyclopédie. En fait, l'essence d'Orient était introduite par un chalumeau (fine tube en métal) en le soufflant dans la perle en verre, puis la cire fut introduite. Ce n'était qu'après qu'on y introduisait le tube en carton, et ce dernier servait à protéger le fil de soie des bords coupants des bulles de verre.
RépondreSupprimer