mardi 19 octobre 2010

L'Histoire d'une perle:De CITROËN à Vincent LINDON



Au mois de mars 1913, Paris était désoeuvré.
Pas de réforme des retraites!!! pas de scandale politique ou financier à se mettre sous la dent, c'est pourquoi un fait divers passionna la ville.
Une rumeur avait couru les semaines précédentes comme quoi des perles maquillées circulaient chez les vendeurs parisiens au prix des perles naturelles.

Alerté, le président de la chambre syndicale des négociants en diamants pierres précieuses et perles, Mr Rheims avait adressé une plainte contre X. Le parquet ouvrit une enquête. L'enquête aboutit chez un marchand Parisien Mr Willing qui de fait, vendait une perle qu'il proposait à la vente pour 260.000frs . (Si mes calculs sont bons 83.000 € de nos jours).
Cette perle avait été proposée à Monsieur Citroën ( famille d'André Citroën le constructeur automobile) de la branche des Diamantaires descendants de Roelof Citroen.
Monsieur  Armand Citroën, vice président de la Chambre Syndicale, acheteur éventuel avait, selon les us et coutumes de la profession, déposé cette perle dans un coffre au crédit Lyonnais sous enveloppe scellée.

D'après mon confrère spécialisé dans la perle, Laurent Duizend, expert à Paris, "C'est la manière traditionnelle de bloquer l'objet en attendant la conclusion de l'affaire"
Un commissaire de police, dépêché sur place avait saisi la perle pour la faire examiner par un collège de professionnels. Messieurs Bruhl, Citroên, Rheims et Templier la déclarèrent "Maquillée".

A l'époque , le prix d'une perle fine est proportionnel au carré de son poids exprimé en grains (le carat est le 5 eme du gramme et le grain, le quart du carat, soit le 20 eme du gramme)

Donc une perle de 10 grains avec une valeur de  une fois son poids:
10X10=100frs. 
Ensuite selon l'estimation de la qualité du lot ou de la perle on calculera une valeur multipliée par le carré du poids
Une perle de 10 grains au carré fait 100Frs, si on l'estime à 50 fois son poids cela donne 5000frs.
Ceci pour vous expliquer que les articles concernant ce procès ne donnaient qu'une indication:
"Mr Willing fit connaître qu'il avait reçu, pour la vendre 62 fois et demie son poids soit 260.000frs la perle
Ce qui nous donnerait un poids de 64 grains environ.pour différentes raisons, il est difficile de comparer avec notre époque en donnant la conversion de ce prix en Euros,près de 700.000€, mais en 1913 les perles fines étaient très, très chères.


Monsieur Willing avait deux associés sur ce coup, Mr Altschueler et Mr Barboza, et devait partager les bénéfices.
D'où venait-elle? cette perle d'Amérique naturelle mais d'eau douce, avait été acquise auprès de Monsieur Lindenbaum courtier en perles, je reparlerais de lui à la fin de l'article.
Mais la perle avait subi un traitement et nos complices avaient confié ce travail à un homme "de race Hindoue" Mr Varma.
Cinq années passèrent, une enquête longue et précise qui aboutit à un renvoi devant la 16 eme chambre correctionnelle de Paris.
Mr Altschueler étant décédé, Mr Barboza et Mr Varma se présentèrent seuls à l'audience assistés de Maitre Charles Philippe et de Maitre Rappoport.

Monsieur Barboza déclara que la "perle était très connue sur la place de Paris".

Varma expliqua que Altschueller lui avait confié la perle pour "l'améliorer" et qu'il devait participer aux bénéfices si le prix vendu dépassait les 108.000frs.
Varma lui avait donné une couleur rosée grâce à un enduit.

Appelé à la barre, Monsieur Reinach, expert, expliqua au tribunal

"Elle avait l'aspect d'une perle d'orient à raison de sa couleur rosée teintée. Elle ressemblait à une perle d'orient, mais lorsqu'elle fut trempée dans l'alcool, l'enduit est parti"
Varma répondit qu'"il avait mis du collodion pour l'empêcher de craqueler et que son travail n'était pas fini lorsque la perle lui fut saisie"

En réalité Varma l'avait enduit de Collodion à l'acétate d'amyle.

Renseignements pris auprès  d'un professeur d'Université
"L'acétate d'amyle, ou ethanoate d'amyle est un ester de l'acide acétique et de l'un des isomères du pentanol:formule brute:C7 H14 O2.
Il est utilisé comme dissolvant(par ex pour les ongles) et comme additif dans un grand nombre de procédés de synthèse chimiques. Là il est mélangé avec le collodion (qui lui est une substance chimique dangereuse) Cela ressemble a un vernis gélatineux qui a été d'ailleurs utilisé dans les arts au 19° siècle et début du 20°. 
L'idée est de laisser sur le support une matière vernissée plus brillante que la surface d'origine: on comprend l'intérêt du processus en question: maquiller la perle en une perle plus brillante et de texture différente."

J'ai sélectionné des passages du jugement du tribunal présidé par Mr Lemoine.


"Attendu que l'on distingue deux sortes de perles, les perles maritimes ett les perles d'eau douces, dites perles américaines, moins belles, généralement blanches et de valeur bien inférieure; Attendu que la perle en question avait été trempée par Varma dans un bain de collodion à l acétate d'amyle, opération qui avait eu pour résultat de changer son caractère d'origine, de lui donner le ton jaune des perles d'orient au lieu du ton mat des perles d'amérique; Attendu que la couleur ajoutée par Varma au collodion avait une importance particulière, puisqu'elle donnait à la perle une nuance légèrement dorée et mélangée de rose, qui pouvait la faire prendre par toute personne, même compétente pour une perle d'Orient ;

Attendu que le trucage était si bien réussi que lorsque monsieur Willing (dont la bonne foi n'a jamais été suspectée) présenta la perle à la maison TIFFANY, chez CARTIER, Chez BOUCHERON, tous connaisseurs, aucun d'eux ne découvrit la supercherie..."

Rheims, Citroën, Bruhl, Templier, excellents professionnels reconnurent aussi que s'ils n'avaient été prévenus, ils n'auraient rien vu. 

De même le tribunal indique que la perle avait été achetée par Altschueler 72.000Frs pour la revendre 260.000frs alors que le procédé n'améliorait rien, puisqu'il devait disparaitre à plus ou moins long terme , la tromperie sur la marchandise fut reconnue, et Varma fut condamné à six mois de prison et 5000Frs d'amende, quant à Barboza il écopa de 3 mois de prison et 500frs d'amende.

Léonard Rosenthal dans son merveilleux livre "Au Royaume de la Perle" écrivit en 1925




Cliquer pour agrandir l'image


 Dans cet article de ce blog il est des noms qui méritent qu'on s'y attarde!


Armand Citroën était d'une longue lignée de diamantaires, il est le neveu d'André Citroën le constructeur de voitures. 
 Barend Limoenmann à Amsterdam en 1811 dut changer son nom sous Napoléon et prit le nom de Citroen, c'est plus tard que le tréma apparut , Barend avec Netje Roseboom eut 14 enfants, six d'entre eux furent joailliers ou orfèvres, son sixième fils Karel Salomon était courtier en diamants à Paris
Le 8 eme enfant de Barend Citroën s'appelait Levie et avec Amelie Kleinmann ils eurent 5 enfants  Hugues et Bernard, qui étaient diamantaires. 
Armand Citroën est cité sur le document ci-dessous en tant que participant au repas du cinquantenaire de la Chambre Syndicale de la BJO de la rue du Louvre en 1927


Repas du Cinquantenaire de la chambre syndicale de la BJO en 1927
Sur ce document Armand Citroën est présent mais aussi les Lindon, nous en parlerons plus après. amis tous les acteurs de cet articles sont présents.












Sur cet autre document aimablement fourni par la chambre syndicale de la rue du Louvre on retrouve Armand Citroen au 26 rue Lafayette et Hugues, fils de Bernard Levie Citroën et frère d'André l'homme de la firme aux chevrons. Hugues est installé au 24 de la rue Lafayette.

Levie était arrivé avec sa femme au beau milieu des évènement de la commune, il faut être français pour assister impuissant à de pareils évènements et Jacques Wolgensinger dans son livre sur André Citroën dit que Levie et sa femme étaient "Effarés".

Mais il va rapidement assurer son affaire et est considéré par ses confrères comme un homme d'un grand sérieux, il avait réussi, mais déja...en 1873 la  crise...spéculations, grèves sauvages, etc...En 1883 des investissements dans le diamant d'Afrique du sud qui s'écroulent, des medicaments et drogues pour combattre ses inquiétudes...et Bernard Levie Citroën une nuit se défenestre .

Sa femme Amélie va reprendre son affaire. Ses enfants, Jeanne, Hugues, Fernande (j'en reparlerais) Bernard et André  vont devoir affronter la vie.


Armand réussit dans le diamant, réussit à Paris, donc fréquente le tout Paris, il a acquis une propriété dans le midi et en 1925, il invite Colette, dans sa villa de Beauvallon- guerrevieille, "la Bergerie"Près de Saint Tropez



Baie de Saint Tropez

C'est là qu'elle va découvrir le midi de la France, et connaître un courtier en perles et diamants, Maurice Goudeket, qui sera son troisième mari.
Maurice lui assure qu'elle va adorer le midi puisqu'elle aime la Bretagne
En 1926 Colette achète une maison dans l'anse des Canebiers là ou Brigitte Bardot s'établira, "la treille muscate"





La maison de Colette a Saint Tropez


Clocher de Saint Tropez

Dans nos personnages je citais Abner Lindenbaum ce courtier en perles.

Il avait décidé d'abandonner la nationalité polonaise pour la britannique tout en s'installant à Paris, et changea son nom en ALFRED LINDON.

Il n'est autre que l'arrière grand père de l'acteur Vincent Lindon que j'ai essayé de contacter, mais qui m'a fait écrire qu'il ne souhaitait pas me répondre.
Alfred Lindon/Lindenbaum l'arriere grand père de Vincent Lindon, était négociant en diamants et il épousa Fernande Citroën la soeur d'André;.
Vincent Lindon est le petit fils de Raymond Lindon, qui participa à la création de l'état d'Israel, mais qui fut aussi un grand procureur à la libération en 1944.
 

Il a laissé un grand souvenir dans ma Normandie natale comme Maire d'Etretat , chacun sait que c'est la ville d'Arsène Lupin..., quoique!, je passais tous les jours pour me rendre à ma Joaillerie devant la maison de Maurice Leblanc qui donnait sur le square Verdrel à Rouen, Ville ou il était né.
Raymond Lindon écrivit sur Arsène en 1949 sous le pseudonyme de "Valère Catogan", normal pour un procureur, c'est l'anagramme "d'Avocat Général"
Vincent est le neveu de Jérome Lindon, directeur des éditions de minuit, il est le cousin de Matthieu Lindon .
Son beau père est Pierre Bénichou...comme quoi la joaillerie permet des rencontres.


Et enfin Léonard Rosenthal dont le merveilleux livre sur les perles fines avait été offert et dédicacé par Jacques Tharin à mon père (les professionnels comprendront)

Grand courtier en perles fines,Léonard Rosenthal était aussi promoteur immobilier et il avait acquis la parcelle de terrain sur laquelle seraient édifiées "les Arcades des Champs Elysées.

Evelyne Cohen le relate dans son livre "Paris dans l'imaginaire national dans l'entre deux guerres "





6 commentaires:

  1. Merci pour cette histoire,
    je dirais cet article est une perle
    il est bon de se replonger cent ans en arrière
    et d'apprendre les tribulations de cette perle trafiquée avec talent,
    l'explication permet de resituer mieux le monde familial du constructeur célèbre
    et d'apprendre que des personnages d'une famille de grande renomée
    pas toujours bien connue du grand public,
    ont eut une implication dans le monde des bijoux et pierres précieuses
    cela peut surprendre plus d'un lecteur
    on regrette que Vincent Lindon n'ait pas accepté de donner la version
    d'une histoire certainement transmise par ses ancêtres et connue par lui
    avec probablement quelques révélations sur l'impact de cette passionnante "péripétie" des bijoux de famille !

    Emile Vanopdenbosch

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  2. Bonjour JJR,

    Merci de cet excellent article, une simple '' perle '' vous permettant de nous parler de toutes ces familles liés à la joaillerie.

    Je possède le livre de Léonard Rosenthal, '' Au Jardin des Gemmes '' et le mien aussi est dédicacé par l'auteur et la dédicace est ainsi rédigée: '' À mon viel ami Hugo Kramer Témoignage de vive sympathie '' Signé Leo Ros

    Je cherche depuis longtemps à savoir qui pouvait bien être ce Hugo Kramer.....quelque chose me dit qu'il devait être un personnage intéressant.

    Dans mes recherches, j'avais trouvé que Léonard Rosenthal était devenu diamantaire aux USA...New York, si je me souviens bien.

    Je vous remercie encore pour toutes vos recherches toujours agréables à découvrir sur le net.

    Belle et bonne journée.

    Michel Zimmermann
    Québec

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  3. Félicitations à Jean Jacques Richard , pour cet article que je redécouvre ... Je l'ai lu avec d'autant plus d'intérêt que mon arrière grande tante , Judic Van Cleef est l'arrière grande tante de André Citroën ... Donc arrière arrière de Armand Citroën .....

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    1. Ravi de votre commentaire, c'est important, car dans cet article, il y a nombre de personnes qui furent importantes pour notre métier et nous ajoutons Judic Van Cleef

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  4. petite erreur dans l'article, vincent lindon n'est pas l'arrière-petit-fils d'alfred dreyfus.

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  5. Vincent Lindon est le fils de Laurent Lindon, dirigeant de la firme Audioline, et le petit-fils de Raymond Lindon, magistrat et maire d'Étretat entre 1929 et 1959, ainsi que le neveu de Jérôme Lindon, patron des Éditions de minuit. Il est par ailleurs l'arrière-petit-fils de Fernande Citroën, sœur aînée d'André Citroën et épouse d'Alfred Lindon (né Abner Lindenbaum), un joaillier et collectionneur d'art moderne originaire de Cracovie (Pologne)1. Sa mère, Alix Dufaure, journaliste de mode à Marie Claire2,3, descend de Jules Dufaure et du maréchal Exelmans1. Il est baptisé dans la religion catholique de sa mère, et déclare ne pas savoir s'il est croyant4 et ne se réclame d'aucune religion.

    Alors qu'il a cinq ans, sa mère divorce pour épouser quelques années plus tard le journaliste Pierre Bénichou. Un séisme pour lui, à l'origine de ses tics6, qui ne se manifestent pas quand il joue un rôle au théâtre ou au cinéma.

    Après des études au lycée Victor-Duruy8, il obtient son baccalauréat C. Il s'inscrit alors en prépa Sup de Co. Comme il s'en lasse au bout de 22 jours, sa mère lui trouve en 1979 un stage d'aide costumier sur le tournage du film Mon oncle d'Amérique d'Alain Resnais où il s'occupe notamment de Gérard Depardieu9. Puis, il part pendant six mois à New York pour travailler comme assistant chargé de la promotion radio auprès de son oncle, Eric Dufaure, fondateur du label Cachalot Records (Ian North, Die Hausfrauen, Medium Medium, Malaria, Stars of the Streets, Comateens, Made in France, Personal Effects). De retour à Paris, son beau-père Pierre Bénichou lui trouve un autre petit job : branche-micro sur les tournées de l'humoriste Coluche en 1981. Il est également coursier au journal Le Matin de Paris avant d'entrer au Cours Florent.(Wikipedia)

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